Un cas extrême :
h/t
205 x 250,5 cm
2009/2010
En mars 2007, j'ai été contacté par la mairie de Faleyras (33), pour proposer une intervention de restauration de la grande "crucifixion" conservée dans l'église du village. A cette occasion je fis cette photo de travail :
Ma proposition n'eut pas de suite.
En Avril 2008, la municipalité fit de nouveau appel à moi pour réactualiser mon devis, le tableau ayant subi "d'importantes dégradations".
Voici comment je découvrais le tableau :
Après récolte des débris, dépose et transport en atelier, un constat d'état était possible.
L'oeuvre est composée de 4 lès cousus horizontalement.
Une toile de doublage fixée sur le revers accentue le poids des lés 3 et 4, et augmente la fragilité de l'ensemble. La couture entre le deuxième et le troisième lé a donc laché, et toute la partie basse s'est effondré.
La toile est dans un grand état de délitement, les fibres ont été soumises à une grande humidité et n'ont plus aucune résistance. Il est quasiment impossible de manipuler les débris sans prendre le risque de les endommager davantage.
La toile, laissée roulée en boule pendant près de deux mois est extremement déformée (comme le manifestent les photos en lumière rasante).
On observe un grand désordre dans les fibres rompues, comme dans les écailles de couche picturale.
La couche picturale n'a plus aucune adhésion avec les fibres du support. Les écailles se décollent, et chutent au moindre contact.
Exemple d'un lot de débrits récoltés et impossibles à manipuler. La photo à droite est donc une manipulation virtuelle effectuée par ordinateur afin de déterminer les pertes éventuelles ainsi que l'ordre relatif qu'il faudra retrouver au cours de l'intervention. |
Vues en lumière rasante
Vues de détails des désordres du support et de la couche picturale
Il fallait avant tout pouvoir consolider les débris et leur redonner une cohérence afin de pouvoir les manipuler et accéder à leur revers.
Un long travail de remise en ordre a donc été engagé, en procédant zone par zone (sur des surfaces d'environs 4à5cm x 2à3cm), remettant les écailles à leur place, coupant et rangeant les fibres de toiles déplacées. Quand une zone a retrouvé sa cohérence, un petit morceau de papier japon est collé afin de fixer la zone en question. Ce travail minutieux a été effectué à la pince à épiler à l'aide de lentilles d'agrandissement.
Sur cette photo, on peut voir le travail en cours : en bas le morceau de tableau non encore touché, en haut, les petits morceaux de papier japon maintenant les zones reconstituées.
Le travail s'est poursuivi jusqu'à l'obtention de morceaux de plus en plus grands et jusqu'à la reconstitution des trois lès principaux.
Ces trois grands morceaux ont étés fixés à chaud sur de grandes bandes de non-tissé préalablement préparées à l'aide d'une résine thermoplastique.
C'est aussi dans cette phase que ce qui restait des plus grandes déformations a été résorbé.
On a pu ensuite procéder au rentoilage de la totalité de l'oeuvre et ainsi lui redonner son unité.
Les photos suivantes montrent l'état du tableau après rentoilage.
A ce stade, un travail plus habituel était envisageable.
Etude de la couche picturale sous fluorescence ultra-violette (mise en évidence des repeints, du vernis ancien...)
Les petits carrés noirs ( sous le côté du Christ) sont les traces du test de nettoyage dit "test de Feller", la grande tache sous le coude est un large repeint. Le vernis original (fluorescence verdâtre) est très usé.
Après la phase de nettoyage, on a procédé au masticage des lacunes.
Les plus grandes (dans la partie gauche et en bas), dataient d'avant l'effondrement de 2008. On peut déjà les voir sur la photo de 2007, et d'autres, moins visibles alors, se sont révélées lors de l'effondrement comme des repeints posés directement sur l'ancienne toile de doublage.
Finalement, par rapport à son état de 2007, les pertes sont minimales.
Les lacunes ont donc pu être réintégrées par le travail de retouche habituel.
Détail de la retouche en tratteggio